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mercredi, novembre 21, 2007

lundi, novembre 12, 2007

La tarte aux cerises

Histoire chimique d'une tarte aux cerises de supermarchéLa Farine
Les
grains de blé ont été enrobés d'un fongicide avant semis.
Pendant sa culture, le blé a reçu de deux à six traitements de pesticides selon les années,
un traitement aux hormones pour raccourcir les tiges afin d'éviter la verse et
une dose importante d'engrais : 240kg d'azote, 100kg de phosphore et 100kg de potassium à l'hectare.
Dans le silo, après récolte, les grains sont fumigés au tétrachlorure de carbone et au bisulfite de carbone puis arrosés au chlopyriphosméthyl.
Pour la mouture, ma farine reçoit du chlorure de notrosytel.
Puis de l'acide ascorbique, de la farine de fève, du gluten et de l'amylase.

La Poudre Levante
Elle est traitée au silicate de calcium et l'amidon est blanchi au permanganate de potassium.

Les Corps Gras
Ils reçoivent un antioxydant comme l'hydroxytoluène de butyle et un émulsifiant type lécithine.

Histoire de la crème
Les œufs proviennent d'un élevage industriel où les poules sont nourries aux granulés contenant des antioxydants (E300 à E311),
des arômes, des émulsifiants comme alginate de calcium,
des conservateurs comme l'acide formique,
des colorants comme la capsanthéine,
des agents liants comme le lignosulfate
et enfin des appétants pour qu 'elles puissent avaler tout ça
comme l'acide cholique et une enzyme pour retirer le sucre du blanc.

Le lait
Il provient d'un élevage industriel où les vaches reçoivent une alimentation riche en produits chimiques :
des antibiotiques comme le flavophospholipol (E212) ou le monensin-sodium (E714),
des antioxydants comme l'ascorbate de sodium (E301), l'alpha-tocophérol de synthèse (E307), le buthyl-hydrox-toluène (E321) ou l'éthoxyquine (E324),
des émulsifiants comme l'alginate de propylène-glycol (E405) ou le polyèthylène glycol (E496),
des conservateurs comme l'acide acétique, l'acide tartrique (E334), l'acide propionique (E280)
et ses dérivés (E281 à 284), des composés azotés chimiques comme l'urée E801), ou le diurédo-isobutane(E803),
des agents liants comme le stéarate de soduim,
des colorants comme le E131 ou 142
et enfin des appétants pour que les vaches puissent manger tout cela
comme le glutamate de sodium.

Les huiles
Elles ont été extraites par des solvants comme l'acétone puis raffinés par l'action de l'acide sulfurique,
puis lavage à chaud,
neutralisées à la lessive de soude,
décolorées au bioxyde de chlore ou au bicarbonate de potassium
et désodorisées à 160°C avec du chlorure de zinc.
Enfin, elles ont été recolorées à la curcumine.

La crème
Une fois obtenue, elle reçoit des arômes et des stabilisants comme l'acide alganique (E400)

Histoire des cerises
Les cerisiers, ont reçu pendant la saison entre 10 et 40 traitements de pesticides selon les années.
Les cerises sont décolorées à l'anhydride sulfureux
et recolorées de façon uniforme à l'acide carminique ou à l'érythrosine.
Elles sont plongées dans la saumure contenant du sulfate d'aluminium et à la sortie elles reçoivent un conservateur comme le sorbate de potassium (E202).
Elles sont enfin enduites d'un sucre qui provient de betteraves qui,
comme le blé, ont reçu leur dose d'engrais et de pesticides.
Le sucre extrait par décantation à la chaux et à l'anhydride sulfureux puis
décoloré au sulfoxylate de sodium,
puis raffiné au norite et à l'alcool isopropylique.
Il est enfin azuré au bleu anthraquinonique.

Bon Appétit !


samedi, novembre 10, 2007

La béate génération

Bonheur. Etre heureux est une question d’époque.
CHRISTIAN GODIN
Il y a un peu plus de deux siècles, Saint-Just s’écriait, à la tribune de la Convention, en pleine tourmente révolutionnaire : «Le bonheur est une idée neuve en Europe !» Affirmation étonnante quand on connaît ses classiques : Aristote, les épicuriens et les stoïciens ne faisaient-ils pas du bonheur le but de l’existence ? Pourtant, Saint-Just disait juste : c’est avec les révolutions bourgeoises, sociales, politiques, que le bonheur est devenu une question collective, ce qui n’était pas le cas chez les sages de l’Antiquité. Quelques années avant la Révolution française, les Américains avaient inscrit le «droit au bonheur» dans leur Constitution. La démocratie est un régime qui entend donner, sinon le bonheur, du moins les conditions du bonheur à tous les citoyens. Et cela, effectivement, était une idée neuve en Europe en 1793.
Déficience. Non seulement tout le monde aujourd’hui veut être heureux, mais la majorité affirme l’être. Les sondages l’attestent – contre toute vraisemblance. C’est que le bonheur n’est pas seulement un droit, c’est un devoir. Déduction : les gens malheureux n’osent plus le dire, à l’exception de ceux qui sont entrés dans un processus de victimisation infinie. Pourquoi ? Hypothèse : ils ont si bien assimilé l’idée que le bonheur était une affaire personnelle – l’État démocratique apportant les conditions favorables en termes d’hygiène, de santé, de prestations, etc. – que ceux qui n’y parviennent pas doivent souffrir de déficience. En bref, il faut vraiment être un nul pour être malheureux ! Qui a dit : «Le bonheur est un idéal de pourceau» ? On cherchera du côté des pisse-vinaigre de la pensée moderne : Leopardi, Schopenhauer, Cioran… Fausse route : Einstein ! Le savant le plus heureux du XXe siècle – il a tiré sa langue quand il s’est fait tirer le portrait et sa photo a fait le tour du monde –, le scientifique le plus comblé du siècle dernier a donc pu dire une telle énormité ? Et si le bonheur qui fait la une des magazines n’était qu’une valeur frelatée ? Un slogan ? Une enseigne commerciale de l’entreprise ego, à l’âge où l’on gère les existences ?
Masochiste. Un regard en arrière (après tout, il y a eu 100 milliards d’hommes qui se sont succédé sur notre vieille Terre et il n’y a aucune raison de penser que les 6,5 milliards d’aujourd’hui sont les meilleurs) et l’on constate que les homo sapiens ont pu vivre un peu partout pour bien autre chose que le bonheur : la survie, la descendance, l’absolu, le sacrifice, le travail… Oui, mais si tout cela constituait le sens et l’objectif de leur vie, cela était pour eux le bonheur. Dialectique bien connue (si la douleur est le plaisir du masochiste, il n’y a plus alors de douleur pour lui). Si l’on vit pour autre chose que le bonheur, plus fort que lui, alors cela signifie simplement que le bonheur a été déporté et non qu’il a été écarté.
Peut-on tout compte fait échapper au bonheur ? Le bonheur semble être dans l’ordre de l’existence ce que la vérité est dans l’ordre de la pensée : la valeur à laquelle on ne peut pas échapper puisqu’elle s’impose même à travers celles qui servent à la contester. Jules Renard disait qu’il ne suffit pas d’être heureux, encore faut-il que les autres ne soient pas. Miette de pain dans le lit égalitariste de la démocratie : une société uniformément heureuse serait peut-être désespérante pour l’individu. Affaire personnelle, le bonheur ? Vite dit ! Les sociétés hiérarchiques mettaient une telle distance entre les ordres, les rangs, les castes et les statuts qu’on ne se jugeait qu’entre pairs. Dans les sociétés démocratiques, exception faite des deux extrémités, les exclus et les millionnaires en euros, les pairs sont tous les autres, et désormais, avec la mondialisation, les autres vivent aussi au-delà des frontières et ils les traversent. Dès lors, le bonheur devient une valeur différentielle – un plus, comme disent les publicistes. Le marché de la concurrence est particulièrement attentif à ses écarts. Aujourd’hui, sur les photos de groupe, tout le monde sourit ou fait l’imbécile. Il y a cent ans, même l’ouvrier agricole ou le mineur prenait la pose officielle et sérieuse d’un général ou d’un pape. Et si les Africains et les Chinois devenaient aussi heureux que nous ? Est-ce bien raisonnable ?
Décollements. Mais, si le bonheur est in, l’excès de bonheur est out. D’où les efforts persévérants des magazines people pour convaincre leurs bienveillants lecteurs que les très riches, les stars, ceux qui n’ont jamais pris le métro, qui ne font pas leurs courses eux- mêmes et éprouvent plus d’inquiétude pour la fin du moi que pour les fins de mois, sont en réalité malheureux, profondément malheureux. Ainsi a-t-on annoncé des cancers foudroyants chez des «artistes» qui, quinze ans plus tard, font des tournées de jeunes premiers et leur antépénultième adieu définitif à la scène. Ainsi les ruptures sentimentales – qui ne sont en fait que des décollements de cul – sont-elles toujours spécialement tragiques chez les fêtards du show-biz. Bonheur, quand tu nous tiens !