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mardi, juin 28, 2011

Moue millimétrée

On pourrait presque en rire. L'équipe de TF1, pardon, sous-traitante de TF1 (1), qui filme une attachée de presse d'Eric Ciotti, président du conseil général des Alpes-Maritimes, jouant les mères de famille dépassées, cette équipe n'imagine-t-elle pas une seconde que la supercherie sera découverte à la seconde même de la diffusion du reportage ? L'attachée de presse du président doit tout de même être un peu connue parmi les élus du conseil général, y compris les élus d'opposition ! Jusqu'à la justification des bidonneurs, aussi confondante que le reste: "une maman devait témoigner, elle n'est pas venue", a expliqué (2)le directeur de la communication du conseil général. Traduisons: le conseil général avait réquisitionné une authentique mère-dépassée-ne-voyant-d'autre-solution-que-la-suppression-de-ses-allocations. Mais, sans doute dépassée par la situation, elle ne s'est pas présentée. Sublime aveu: il fallait que la mère dépassée colle parfaitement au casting des mères dépassées. Elle devait être dépassée, oui, mais juste ce qu'il faut, pour coller au scénario, et justifier la moue millimétrée de Pernaut, au retour plateau (ledit Pernaut, dans ses "excuses", a d'ailleurs oublié un précédent, comme nous le signalions hier (3)).

Reste un mystère: puisqu'ils savent que la supercherie sera découverte, pourquoi la commettent-ils tout de même ? Une seule hypothèse: tous les protagonistes, équipe de tournage, attachée de presse, tous ont si bien interiorisé qu'un JT n'est que mise en scène, casting, et illustration de scénarios pré-écrits, ils ont si bien intégré leur rôle de fournisseurs de témoins plus ou moins douteux (notre dossier complet est ici (4)) qu'ils ne se soucient même plus des quelques grammes de "réel", qui doivent tout de même cautionner l'ensemble du produit. A vivre dans la fiction, on oublie le réel. L'affaire rappelle la savoureuse affaire de la fausse femme de polygame, inventée par Le Point (5). Elle rappelle aussi les mises en scène (6) de "La cité du mâle", documentaire d'ARTE qui présentait tous les jeunes d'une cité comme des machos. Puisque ces cancres, machos et polygames, ne collent pas assez avec l'image que nous souhaitons en donner, alors retouchons, mettons en scène les cancres, machos et polygames.

La télé n'a pas le monopole des truquages. Les ministres s'y entendent aussi très bien. Il y aura fallu plus d'un mois (7), de persévérance de la rubrique Désintox de Libé, mais c'est fait (8): poussée par les syndicats, la direction de l'INSEE a fini par démentir le mensonge du ministre Guéant, qui avait affirmé que les deux tiers de l'échec scolaire en France étaient imputables aux enfants d'immigrés. Là encore, mystère: pourquoi le mensonge originel de Guéant, pourquoi sa persévérance dans le mensonge, jusqu'à aller faire porter des droits de réponse à Libé, par motard officiel ? Conviction sincère de sa bonne foi ? Certitude de l'impunité ? Douce habitude des petits mensonges, jamais démasqués ? Allez savoir. Reste aussi une autre question: est-il bien nécessaire de se battre ? De fait, le rectificatif de l'INSEE n'aura jamais le quart, le dixième de l'impact d'une parole ministérielle, et même Libé d'aujourd'hui préfère consacrer sa manchette à coller à l'agenda de Martine Aubry, plutôt qu'à cette victoire sur Guéant. Est-ce donc bien la peine de se battre ? Oui. Et de toutes manières, il n'est pas d'autre choix, face à l'avalanche des mises en scène et des mensonges, que de coller aux faits, même loin des gros titres, et des projecteurs. Et faire ensuite confiance à toutes les bonnes volontés, pour porter cette victoire, où elle doit être portée.
Daniel Schneidermann

vendredi, juin 24, 2011

Des centrales au géranium enrichi !


 












Un peu de poésie dans ce monde atomique! Imaginons que la bombe supposée planquée dans la centrale de Chinon soit un paquet de graines florales... Quel bonheur de la voir exploser en un bouquet printanier. Et le nuage atomique ne serait qu'un nuage de pollen menaçant les allergiques du continent européen. Excusez-moi, je délire...
En promenade à Nyon (Suisse) pour le festival Visions du Réel, j'ai dégotté cette carte postale dans une charmante librairie qui faisait face au château. Ce sont les éditions Plonk & Replonk qui ont commis.
Laure Noualhat 

Standardisation du contrôle-commande

Les autorités de sûreté nucléaire britannique, française et finlandaise ont émis lundi des réserves sur les systèmes de sûreté des réacteurs nucléaires EPR. Elles demandent aux exploitants et fabricant «d'améliorer la conception initiale de l'EPR», selon une déclaration commune. Une déclaration qui intervient alors que deux de ces réacteurs de troisième génération sont en cours de construction en France et en Finlande.
Le niveau de sûreté des systèmes de contrôle-commande, cerveau de l'EPR, avait déjà été mis en cause en avril par l'Inspection britannique des installations nucléaires (NII), pays où les groupes français Areva et EDF se proposent de construire quatre réacteurs.
La critique porte sur la trop grande interconnexion entre deux systèmes de contrôle, supposés être indépendants, l'un faisant fonctionner le réacteur et l'autre assurant sa sécurité. «L'indépendance de ces systèmes est importante. En effet, si un système de sûreté est appelé à servir en cas de perte d'un système de contrôle, alors ces deux systèmes ne doivent pas faillir simultanément», soulignent lundi les autorités de sûreté du nucléaire française (ASN), britannique (HSE/ND) et finlandaise (STUK).
En conséquence, les exploitants se voient demander «d'améliorer la conception initiale de l'EPR». «Il incombe aux exploitants et au fabricant Areva de répondre aux questions techniques soulevées par leurs autorités de sûreté», des solutions différentes pouvant être proposées par chaque exploitant «pour pallier la perte de systèmes de sûreté», selon la déclaration commune.
Dans une lettre adressée au directeur de l'ingénierie nucléaire à EDF, le directeur général de l'ASN, Jean-Christophe Niel, lui demande «d'examiner dès à présent des dispositions de conceptions différentes», car la «certitude d'aboutir in fine à une démonstration de sûreté acceptable fondée sur l'architecture actuelle n'est pas acquise». L'ASN relève que la «complexité» de cette architecture «rend difficile l'élaboration d'une démonstration de sûreté satisfaisante».
Pour le groupe Areva, «la sûreté du réacteur n'est pas mise en cause». Areva «soutient la démarche commune des autorités de sûreté nucléaire qui vont dans le sens d'une standardisation du contrôle-commande», a déclaré à l'AFP une porte-parole du constructeur.
La «renaissance du nucléaire est décapitée», s'est pour sa part réjoui le mouvement «Sortir du nucléaire», qui demande «l'annulation générale du programme EPR», et en particulier du chantier en cours à Flamanville (Manche) et du réacteur prévu à Penly (Seine-Maritime). «Sur le plan technique, les deux principaux réacteurs actuellement sur le marché, l'EPR français et l'AP 1000 américain, rencontrent de très graves difficultés, tant sur le plan de la sûreté que sur les chantiers déjà engagés», ajoute l'association anti-nucléaire dans un communiqué.
Destiné à devenir le premier réacteur EPR de troisième génération au monde, le réacteur d'Olkiluoto en Finlande, prévu initialement pour l'été 2009, accumule les retards et les dépassements de coût. Son entrée en service pourrait être de nouveau retardée au-delà de juin 2012, a prévenu à la mi-octobre le commanditaire TVO.
(Source AFP)

Une nation de schizophrènes ?

Un sondage TNS-Sofres a été réalisé fin octobre pour essayer de décrypter le complexe rapport des Français à l'économie et à l'entreprise. Le résultat en est troublant.  Il a été demandé si certains mots évoquaient des valeurs positives ou négatives. Certains termes sont sans surprise des valeurs-repoussoir: mondialisation, capitalisme, profit, libéralisme (avec respectivement 73, 72, 56 et 53% d'opinions négatives). D'autre résultats sont plus surprenants: la nationalisation est majoritairement une valeur négative tout comme le protectionnisme (52%/48%), l'entreprise privée (28% négatif) est mieux vue que l'entreprise publique (33%) et que l'administration (51%). Enfin, les valeurs travail/argent/consommation sont plébiscitées (84%/71%/66% de positif) mais aussi... le temps libre (94% de positif). On peut dire que ces simples attributions sont bourrées de paradoxes: le libéralisme est majoritairement repoussé mais les nationalisations aussi (retour du "ni-ni" ?) et, plus surprenant, les Français ont plus confiance dans le privé que le public. Le capitalisme et le profit sont conspués mais pas l'argent et la consommation. Le travail est une valeur-refuge (une des explications de l'élection de Nicolas Sarkozy?) mais le temps libre aussi (donc a priori pas de remise en cause des 35h).

Ces multiples paradoxes montrent que les français sont perdus. Mais surtout qu'une dichotomie (voire schizophrénie) croissante s'opère entre l'individu-consommateur qui ne veut pas changer son mode de vie (consommation, protection de l'Etat, pollution) et l'individu-citoyen qui ne veut pas subir les conséquences des actes de l'individu-consommateur (capitalisme effréné, taxes, dégradation de l'environnement).
Les sentiments à l'égard de l'entreprise sont eux aussi paradoxaux. Dans le même sondage, on apprend qu'une majorité de Français pensent que les écarts de salaire sont trop grands, que les intérêts des patrons et des entreprises sont massivement divergents de ceux des salariés ou encore que la politique gouvernementale est très fortement favorable aux entreprises au détriment des salariés. Le lien semble donc durablement dégradé. Notons également qu'une majorité de français ne fait pas confiance aux syndicats pour les représenter. Seuls contre tous donc.
Si l'on détaille les résultats, ce constat est à nuancer. D'abord, il y a une très forte disparité selon la taille des entreprises. Plus l'entreprise est grande, plus les salariés ont le sentiment que les intérêts société/patrons/salariés sont divergents (61% dans les TPE, 27% dans les grands groupes). Ce qui se traduit par une appétence pour les actions revendicatives des plus softs (travailler moins) aux plus dures (grève, dégradation, séquestration) plus grande dans les grands groupes. De même, le degré de fierté, de confiance, d'attachement est beaucoup plus fort dans les TPE.
Ce qui est beaucoup plus surprenant, c'est la position des fonctionnaires. Dans des proportions très fortes, ils jugent que l'Etat-patron sait moins s'adapter, se soucie beaucoup moins de leur sort qu'un patron du privé et même... que leur employeur est peu solide (% moindre que parmi les salariés des TPE!). Les fonctionnaires considèrent également que leur sécurité de l'emploi est plus faible que les salariés du privé. Enfin, les slogans sarkozyens fonctionnent puisqu'une majorité de français considèrent qu'ils sont prêts à "travailler plus pour gagner plus" (53%).
Un sondage CSA-Anact-France Info-la Tribune de 2006 fournissait lui aussi son lot de surprises. Sur un autre angle, il nous apprenait que les travailleurs précaires (CDD voir intérimaires) se sentaient plus impliqués, plus reconnus et pensaient avoir plus de possibilités d'évolution que les CDI. L'article de Libération de l'époque concluait par: "Finalement, et contre les idées reçues, le salarié «type» le plus heureux (envie de travailler, reconnaissance, autonomie et climat social) est titulaire d'un CDD, travaille dans une entreprise de moins de 20 salariés située en province et occupe (fait plus logique) un poste d'encadrement ou de «profession intermédiaire»".
Incroyable France qui vilipende le libéralisme et le capitalisme mais ne fait aucune confiance à sa fonction publique. Incroyable France qui dénonce la précarité à tout bout de champ et s'arcboute contre tout changement du contrat de travail mais où les CDD se sentent mieux que les CDI, où les salariés de TPE se sentent plus motivés, reconnus et plus... protégés que les fonctionnaires.
Dans ce contexte, il paraît très complexe, pour un gouvernement de droite comme de gauche, de dégager un consensus ou même une majorité a minima sur une politique économique claire, lisible et qui ne soit pas une politique court-termiste, des petits pas ou du "zig-zag". Le modèle français est aujourd'hui écartelé entre une fonction publique puissante mais insatisfaite et non-motivée (pour maintes raisons, la mauvaise gestion RH de l'Etat n'y étant pas pour rien), des grandes entreprises qui se rapprochent de cet état d'esprit, un tissu de TPE/PME avec des salariés plus investis mais qui reste fragile et peine à se développer, un système de protection (contrat de travail) qui freine l'économie mais ne semble pas satisfaire ses bénéficiaires, une adhésion des salariés à la valeur travail mais aussi à la valeur temps libre et enfin une schizophrénie entre la volonté de consommer et le rejet des fondements de la société de consommation. Une refondation de ce modèle s'impose. Espérons que ce sera un des enjeux de la prochain présidentielle.

Est-il bien prudent d'envoyer des messages aux extra-terrestres ?

En 2008, la Nasa a diffusé dans l'espace la chanson des Beatles "Across the Universe", à l'intention d'éventuels extraterrestres. Une initiative alors saluée par Paul McCartney. Mais des experts s'inquiètent de la profusion de messages filant vers le cosmos.Est-il sage de signaler notre présence à d'éventuels voisins hostiles? De quel droit certains peuvent-ils prétendre représenter notre monde face à la galaxie? Autant de questions évoquées lors d'une récente conférence à Londres.
Beaucoup de messages sont "responsables, mais je m'interroge sur certains autres trucs qui sont transmis", a déclaré Albert Harrison, professeur de psychologie sociale à l'Université de Californie, lundi au cours de la conférence organisée par la Royal Society (Académie des sciences britannique).
Il énumère "des photos de célébrités, de deux candidats politiques --l'un identifié comme bon, l'autre comme mauvais--, des publicités alimentaires, des lettres d'amour de rock stars".
"Nous pouvons apparaître comme une menace"
Et d'ajouter : "Lorsqu'on commence à émettre et à attirer l'attention sur nous, il faut faire très attention à l'image qu'on donne. Nous pouvons apparaître comme une menace pour eux".
"Nous ne savons pas ce qu'il adviendra de ces messages", souligne-t-il. D'autant plus qu'ils peuvent mettre des centaines d'années à atteindre leur cible.
La chanson des Beatles n'arrivera qu'en 2439 à d'éventuels destinataires à proximité de l'étoile polaire.
La soif de contact avec des civilisations extraterrestres a une longue histoire. Le sondes américaines Pioneer 10 and 11, lancées en 1972 et 1973, ont emporté des plaques représentant une homme et une femme nus et des symboles expliquant la position de la Terre et du Soleil.
Voyager 1 et 2, lancés en 1977, maintenant arrivés aux confins du système solaire, transportent un disque en cuivre plaqué or où sont gravés des chants et images de la Terre.
Mais Voyager 1 mettra encore 40.000 ans avant d'arriver près d'une étoile. Persone ne sait si des êtres intelligents seront là pour s'emparer de la capsule... ni si notre espèce aura survécu pour recevoir une réponse.
D'où l'idée de communiquer par les ondes qui voyagent à la vitesse de la lumière: 300.000 km/s.
Après avoir en vain depuis cinquante ans tenté de détecter des signaux venus de l'espace révélant la présence d'une autre civilisation, les promoteurs de l'initiative SETI (Search for Extraterrestrial Intelligence) ont été tentés de lancer des messages plutôt que d'attendre d'en recevoir.
Depuis un demi-siècle, nos émissions télévisées filent déjà vers l'espace, l'atmosphère terrestre ne pouvant les arrêter.
Mais de puissants émetteurs de radioastronomie sont utilisés par des agences spatiales ou d'autres institutions pour transmettre volontairement d'autres messages.
Un premier, très court (1.679 bit), avait été diffusé en 1974 vers un amas d'étoiles qu'il devrait atteindre dans 25.000 ans. Deux "appels cosmiques" ont suivi en 1999 and 2003. En 2006, la chaîne franco-allemande ARTE a envoyé des messages du public vers l'étoile Errai, distante de 45 années-lumière (1 AL= 9.500 milliards de km).
Contractions vaginales
Les ondes véhiculent les messages les plus sérieux et philosophiques, telle une "Pierre de Rosette interstellaire", source d'informations sur la Terre et les Homo sapiens, mais aussi des blagues.
Des enregistrements de contractions vaginales de ballerines du Boston Ballet ont été envoyées dans les années 1980 vers les étoiles Epsilon Eridani et Tau Ceti, pour donner à la galaxie une idée de la façon dont l'humanité conçoit sa descendance.
Faute de preuve de l'existence d'extraterrestres, ces tentatives de communication risquent d'être une perte de temps, selon l'astrophysicien européen Malcolm Fridlund qui invite néanmoins à faire attention.
"Je ne reste pas éveillé la nuit en m'inquiétant de l'existence de seigneurs de la galaxie", a-t-il confié à l'AFP. "Mais quand on ne sait rien de ce qu'il y a là-bas, on devrait être un peu plus prudent".
(Source AFP)

Digital naives

On les croyait geek jusqu’au tréfonds de leur mémoire. On les tenait pour des surdoués du clavier. Première génération à avoir grandi avec le numérique, les digital natives (natifs numériques) seraient, dit-on, intuitivement à l’aise avec les nouvelles technologies (ordinateur, téléphone portable, Internet). Un mythe aujourd’hui relativisé par plusieurs études, dont celle réalisée récemment par la fondation Travail et Technologie de Namur (Belgique), qui rapporte que les pratiques des 16-25 ans sont dominées par la communication et la récréation. Un regard que partage Jean-Noël Lafargue, 42 ans, expert en technologies et maître de conférence depuis 1996, notamment à l’université Paris-8 et à l’école supérieure d’Arts du Havre. Selon lui, les jeunes seraient davantage des «digital naives».
La génération «digital natives» n’existerait pas ?
Ils existent. Mais selon moi, ils sont beaucoup moins compétents qu’on le croit.
Qu’est-ce qui est caractéristique de leur approche et leur usage du numérique ?
La facilité. Aux débuts de l’informatique, il y a trente ans, l’ordinateur servait presque uniquement à programmer, à fabriquer des choses. On inventait, découvrait, défrichait. Pour ma génération, l’ordinateur a été une conquête. On l’a vu arriver chez nous. Pour les étudiants d’aujourd’hui, ça existe depuis toujours. Ils baignent dedans, c’est leur univers et ils ne le remettent pas en question. La plupart ne sont pas intéressés par le fait d’utiliser l’ordinateur comme outil. Plus ça va, plus il devient un média. Moins on fabrique et plus on consomme. Et les jeunes sont essentiellement bons pour consommer et communiquer.
Ils seraient doués pour tchater ou envoyer des SMS mais pas plus à l’aise que leur grand-mère pour mettre en page un document ?
Oui. C’est une tendance qui m’étonne dans les écoles d’art et les universités. Il y a dix ou quinze ans, les étudiants arrivaient en ne connaissant rien. Ceux d’aujourd’hui ont un ordinateur, sont devant quatre heures par jour mais ils peuvent ne pas savoir comment ouvrir un fichier texte. Ou alors c’est quelque chose qu’ils ont appris à l’école, dont ils peuvent se rappeler vaguement, comme on peut se rappeler Jean-Jacques Rousseau. Dans les cours de techno, ils apprennent des choses, mais ça n’est jamais mis en perspective. Ils n’ont pas forcément conscience de l’histoire récente de l’informatique et d’Internet et que les choses n’ont pas toujours existé. Et ça ne les intéresse pas.
Les terminaux numériques seraient-ils en train de devenir une nouvelle forme de télévision ?
Oui. Une télévision où on est quand même actif, mais dont l’activité ne dépasse pas le cadre prévu. On est passé de l’ordinateur comme outil universel permettant de faire à peu près tout ce qu’on veut à un média interactif où on peut agir dans les limites imposées.
C’est-à-dire associé à des outils de plus en plus préréglés ?
Avec le développement du logiciel libre et du do-it-yourself (faites-le vous-mêmes), l’idée de prendre le pouvoir sur la machine existe. Mais la tendance de l’informatique ne va pas vers ça. Le grand public est de plus en plus un consommateur passif. La volonté de maîtriser la machine a disparu. On ne fait que l’utiliser ou être utilisé par elle. C’est une évolution sans doute normale. A une époque, toute personne qui avait une automobile se devait d’être un peu mécanicien alors qu’aujourd’hui on va chez le garagiste.
Est-ce la fin des bidouilleurs et des hackers ?
Tels qu’on les a connus, oui. D’ailleurs, les Etats-Unis sont très embêtés qu’il y ait de moins en moins de hackers, dont ils ont besoin pour leur armée. Grâce au logiciel libre, il n’y a jamais eu autant d’outils et on trouve de la documentation partout, mais je pense qu’en proportion le nombre de gens qui prennent en mains leur existence numérique, du côté de la création, d’objets et de logiciels, est en train de baisser.
Les jeunes se sentent-ils concernés par les questions autour d’Internet : loi Hadopi, filtrage, censure ?
J’ai l’impression que non. Ils se demandent s’ils peuvent avoir des problèmes en téléchargeant quelque chose, mais il faut être honnête, souvent ils ne savent pas si c’est illégal ou non. Et c’est normal, car on leur offre gratuitement en permanence des choses que par ailleurs on essaie de leur vendre. Pour eux, c’est très confus. On ne peut pas se plaindre qu’ils manquent de repères quand dans le même temps on les désoriente constamment, par exemple en disant qu’un téléphone portable high-tech vaut cinquante centimes et qu’une chanson de Lady Gaga qui passe en boucle dans les supermarchés vaut 0,99 euro. Sinon, ils ne sont pas ultrasensibles aux questions de censure. Quand on leur raconte comment ça se passe en Chine, ils ne se sentent pas vraiment concernés.
Comment cette génération «post-micro» va-t-elle faire évoluer le numérique ?
La question, c’est de savoir si cette génération va être en mesure de maîtriser le développement des technologies. Je crains que non. On est loin du mythe des fictions cyber-punk avec des gamins qui savaient programmer des satellites depuis leur montre à quartz. Ils ne sont pas plus armés que la génération d’avant, voire moins que les trentenaires ou quarantenaires intéressés par l’informatique.
Par ASTRID GIRARDEAU
 
Jean-Noël Lafargue, expert en technologies, analyse l’attitude de consommateurs passifs des 16-25 ans, moins bidouilleurs-hackers que leurs aînés  

Etre humain

Tous les hommes sont-ils dignes de la qualité d'être humain? La dignité est-elle inaliénable? Peut-on la perdre? le philosophe Eric Fiat, auteur de «Grandeur et misère des hommes, petit traité de dignité» (Larousse) a répondu à vos questions.
Dodcoquelicot : Ne pensez-vous pas qu'une trop grande notion de dignité peut entraîner les pires exactions ou, tout du moins, nous paraître quelque peu «réactionnaire»?
Eric Fiat. L'un des sens du mot dignité est «tenu, contenant, maintien, maîtrise de soi», on peut en effet admettre qu'il est bon que les hommes se soient un peu libérés d'une obligation trop prégnante à se tenir, à se maîtriser, à se contenir. En ceci, oui, on peut considérer qu'il y aurait quelque réaction à vouloir que les hommes, en effet, «se tiennent», «se contiennent», «se retiennent», en toutes circonstances.
Cependant, fondamentalement, je ne crois pas du tout qu'il soit réactionnaire d'exiger de tout homme qu'il essaie d'être digne de sa dignité d'homme. Il me semble qu'il y a, en tout homme, quelque chose d'éminent, quelque chose de sacré, et je trouve que tout homme devrait essayer d'être à la hauteur de cette chose éminente et sacré qui se trouve en lui. Je ne trouve pas que ce soit réac qu'on demande à l'homme qu'il garde sa dignité. Garder sa dignité, ce n'est pas garder quelque chose qu'on risquerait de perdre. Si l'homme devait garder sa dignité comme un homme ses cheveux, ou une fille sa virginité, alors la dignité ne ferait pas partie de l'humanité.

??. Sait-on depuis quand cette notion de «dignité humaine» est entrée dans le sens commun? Est-ce qu'il y a eu un moment dans l'Histoire de l'humanité qui a été déterminant?
Il y a eu deux moments déterminants: à la Renaissance et au XIXe siècle. A la Renaissance, fourmillent les traités de la dignité humaine, et ce sont des textes chrétiens. Au XIXe cette notion devient à la mode, au moment où la bourgeoisie supplante la noblesse. Parce que la valeur suprême pour les nobles c'était l'honneur, comme les bourgeois ne pouvaient pas lutter avec les nobles sur le terrain de l'honneur, il ont promu une nouvelle valeur: la dignité.

Omik. La dignité n'est donc pas inné?
Je n'aime pas me servir du couple inné-acquis. L'homme vient au monde porteur d'une valeur absolue, et dignité vient de «dignus» qui veut dire «qui vaut», «qui a de la valeur», en ceci on pourrait dire que la dignité est innée. Mais, l'homme doit apprendre ensuite à être digne de cette dignité. Pour cette raison, on peut dire que la dignité s'acquiert.
Par exemple: on apprend à l'enfant ne pas s'enduire de ses propres excréments, on lui apprend à respecter autrui. Donc, ça n'est ni inné, ni acquis, ou bien c'est à la fois inné et acquis.

Pasjuste. Plus on est démuni, pauvre, plus la notion de dignité s'éloigne, qu'en pensez-vous?
La pauvreté, la misère, plonge l'homme dans une condition indigne de sa dignité. Mais, la misère ne lui fait pas perdre sa dignité. Même si l'homme misérable peut perdre le sentiment de sa dignité, il serait scandaleux de dire qu'il a perdu sa dignité. Bref, distinguons la dignité du sentiment de la dignité.

Mathieu. N'est-ce pas la société qui impose ce qui digne et indigne, qu'est-ce que vous en pensez?
Oui, chaque civilisation a ses propres normes au sujet de ce qui est digne et de ce qui ne l'est pas. Il y a donc bien une relativité des usages. Cependant, le but est universel: préserver la valeur sacrée de tout homme. Ce n'est pas parce que les normes sont relatives qu'elles doivent être méprisées.

Iradié. Face à «l’hystérie de l’information», l’hypercommunicabilité, la dignité n’est-elle pas de redevenir un peu invisible?
Cette proposition me séduit beaucoup. L'un des synonymes de dignité est pudeur, parce qu'on se «drape dans sa dignité». Préserver sa dignité c'est donc en un sens préserver sa pudeur. L'hypercommunication rend difficile le secret, sans secret pas de pudeur, sans pudeur peu de dignité. Réinventons le clair obscur de Rembrandt ou de Baudelaire!

Debora. Les politiques abusent-ils du mot dignité, le font-ils en toute conscience?
Ils ne sont pas les seuls à en abuser. La formule «il faut respecter la dignité de la personne humaine» sature les discours. On l'entend aussi bien dans les églises que dans les loges, dans les écoles et dans les stades, dans les meetings de la gauche vertueuse, et dans ceux de la droite «vicieuse».
Mais parler trop de dignité, n'est-ce pas en manquer? La dignité fait partie des vertus fragiles, avec la modestie, la pudeur. De même qu'on ne peut être modeste et le proclamer (proclamer qu'on est modeste est une preuve d'orgueil). De même qu'on ne peut pas être pudique et le dire (il est impudique de se dire pudique). De même, c'est peut-être manquer de dignité que d'en trop parler. Mais ça ne concerne pas que les hommes politiques.

Un homme de gauche peut-il être riche?

Stupéfiés, accablés, révoltés, les Français assistent, à l’occasion de «l’affaire Bettencourt-Woerth», à la mise à nu d’une part constitutive de l’identité de la droite : la consanguinité du monde des «riches» et de celui des «puissants», le rapport incestueux entre le pouvoir et l’argent, le déni - d’un tel cynisme qu’il tourne à la naïveté - de ce qu’est un conflit d’intérêt. Ce qui rend la situation actuelle grosse de dangers pour le pouvoir, ce n’est pas le seul dévoilement de cette réalité, ni même que cette révélation intervienne alors que la crise économique et sociale est profonde, mais le fait que le pouvoir, tournant le dos à ses engagements, pratique une politique injuste et contraire aux promesses accordées. Dernier élément du puzzle à se mettre en place, cette affaire permet à tous de saisir le sens de ce qui s’est passé depuis 2007 : un mensonge de campagne suivi d’une volte-face. Elle permet de dessiller les yeux les mieux fermés. La colère, froide pour l’instant, monte dans le pays.
Toutefois, une question de fond soulevée par cette affaire concerne la gauche. Une question délicate : celle du rapport à l’argent, qui se double de celle du rapport de l’élite au peuple. Différentes formulations en sont possibles : un homme politique de gauche peut-il être riche ? Peut-il être lié à des personnalités fortunées ? La possession ou la fréquentation de l’argent disqualifient-elles un homme, ou une femme, de gauche pour solliciter les suffrages de ses concitoyens et exercer le pouvoir ? L’appartenance à l’élite, notamment financière, d’un pays est-elle rédhibitoire pour qui veut représenter la gauche et son peuple ? On ne peut plus écarter ces interrogations en invoquant l’histoire et en rappelant que, de Léon Blum à Lionel Jospin en passant par François Mitterrand, le Parti socialiste et la gauche se sont toujours donné des leaders issus de la bourgeoisie et jamais du prolétariat. Car l’époque n’est plus la même, les temps ont changé.
La mondialisation n’a pas seulement transformé la nature du capitalisme en conférant à la finance un poids démesuré et pour tout dire irrationnel ; elle a fait exploser de façon indécente les rémunérations des chefs d’entreprise, dissous bien des repères politiques et moraux, effacé les frontières entre sphères publique et privée, estompé celles entre dirigeants d’Etat et patrons de multinationales, accru la tentation de l’enrichissement rapide - y compris pour des responsables politiques qui ne sont que des hommes… Les cas symptomatiques de Tony Blair et Gerhard Schröder illustrent cette dérive. En tombant là où ils penchaient depuis longtemps, les avocats de la «Troisième voie» et du «Neue Mitte» ont donné raison a posteriori à ceux qui ont éprouvé une méfiance immédiate à l’égard de leurs projets et de leur rhétorique et qui ont combattu leurs tentatives pour subjuguer l’ensemble de la social-démocratie européenne. Ils ont surtout mis en lumière la perversion de notre époque qui voit d’anciens chefs de gouvernement «de gauche» accumuler en quelques années une fortune en monnayant son carnet d’adresses.
Délicate et légitime, donc, cette question a été récemment abordée dans ces mêmes colonnes par Jacques Julliard, lorsqu’il a postulé qu’en 2012 la gauche ne saurait être conduite à la bataille présidentielle par un membre de «l’establishment financier» (Libération du 18 janvier 2010), ce qui fut interprété comme un appel au boycott de l’éventuelle candidature de Dominique Strauss-Kahn. La réponse à cette question peut être envisagée en trois temps.
Le temps politique. Ce qui compte, ce sont d’abord les projets et les programmes adoptés, les actes posés, les politiques conduites. Un homme politique de gauche est un homme qui prend des engagements de gauche et qui agit à gauche. Sa fortune personnelle, celle de ses amis ou de ses relations, son mode de vie ne sont pas sans intérêt ou sans conséquences, mais ils sont et doivent rester seconds dans l’appréciation politique que l’on porte sur lui. La sincérité d’un engagement ou la force d’une conviction ne peuvent se mesurer à la seule aune d’un compte en banque.
On peut certes comprendre que la richesse soit suspecte à ceux qui défendent le sort des plus faibles d’entre nous. Mais il serait contraire à l’idéal de la gauche de condamner par principe un homme pour sa position sociale, qu’elle soit de naissance ou acquise, tout comme il serait illusoire de considérer qu’un homme du peuple soit mécaniquement de gauche. Soyons vigilants sur les prises de position, les analyses, les propositions politiques de chacun et critiquons-les, combattons-les lorsque cela est nécessaire. Jugeons les hommes sur ce qu’ils disent et font et non sur ce qu’ils sont ou sur ce que nous pensons qu’ils sont. De même, la vie des hommes est ainsi faite que chacun peut avoir un ami qui soit riche ou qui le devienne. Devrait-on renoncer à une telle amitié parce que l’on est engagé à gauche ? Là encore, ce qui importe ce sont la vigilance et le respect de règles de comportement.
Une morale de comportement. L’éthique constitue précisément le deuxième temps de cette réflexion. La question de la compatibilité entre l’argent et la gauche renvoie ici à celle de la distance. En l’occurrence, la distance qu’il faut savoir mettre, lorsqu’on est un responsable politique de gauche, entre soi et l’argent - et ceux qui le détiennent. Cela ne signifie pas l’interdiction de vouloir progresser socialement, de chercher à mettre les siens à l’abri du besoin, ni même de s’enrichir. Pas davantage la condamnation du monde de l’entreprise, dont la finalité reste pourtant le profit. Cela veut dire que dans la relation, inévitable, que nous entretenons tous avec l’argent il faut savoir conserver une distance, la distance qui permet de rester libre. Libre de ses appréciations, de ses choix, de ses décisions. Une tâche difficile, car, par définition, chacun y est son seul juge. Elle n’en est que plus indispensable.
La démarche personnelle. C’est encore de distance qu’il s’agit, mais de façon inversée cette fois. Un responsable politique de gauche doit absolument garder le contact avec les classes populaires - jeunes, chômeurs, ouvriers, employés - qui représentent la raison d’être de son action et qui devraient constituer le cœur de son électorat. Même - et en fait surtout - si le fil de sa vie l’entraîne au sein de l’élite, il doit tout mettre en œuvre pour préserver et faire vivre son lien avec le peuple. Il ne s’agit pas de nier les différences de revenus et de positions sociales qui peuvent exister, mais de toujours chercher à les combler ou à les dépasser par l’échange et le contact physique.
Le peuple est intelligent. Il sait bien que ceux qui le gouvernent ou aspirent à le faire ne vivent pas, à de rares exceptions, comme lui. Qu’ils n’ont ni les mêmes revenus, ni les mêmes distractions, ni les mêmes perspectives. Il n’attend pas d’eux qu’ils mentent, qu’ils dissimulent leur mode de vie ou, pire, qu’ils singent le sien. Il veut et il attend plus que de «l’écoute» ou de la «proximité» : une envie de comprendre ses problèmes, une honnêteté et une lucidité dans l’analyse politique, du courage dans la décision, une fierté de le représenter, une décence dans l’attitude publique et de la dignité dans l’exercice des fonctions conférées par la République.
Il n’y a pas de fatalité dans ce domaine : ancien banquier chez les frères Rothschild, Henri Emmanuelli n’a jamais été suspecté de «virer à droite»… Pas de fatalité, mais un risque néanmoins réel, pour les dirigeants de gauche, de se couper de ce terreau populaire, de ne plus rechercher ce mélange, cette mixité qui représentent une véritable forme d’hygiène politique. Au bout de la pente, il y a alors pour cette élite le conformisme intellectuel, le manque d’imagination et de volonté politique, une forme de résignation, la tentation d’ériger ses propres intérêts en idéologie dominante.
Vivre parmi les citoyens, parmi les Français au service desquels on s’est placé, au milieu d’eux, avec eux, pas forcément de la même manière, mais avec eux : voilà la solution pour prévenir ce danger, mortel pour la gauche. C’est ce qu’a toujours su faire Lionel Jospin, même lorsqu’il était Premier ministre et encore aujourd’hui qu’il vit de sa pension de retraite d’élu de la République et de diplomate. Cet éloignement du peuple n’est-elle pas à la racine la grave crise de confiance que connaît le pays ? N’est-ce pas la vraie raison du divorce entre Nicolas Sarkozy et les Français ? A la gauche et à ses aspirants candidats de méditer la leçon.

24/7

Le temps, pas la météo, mais celui qui passe et nous file entre les doigts, semble une donnée simple et immuable. Mais la réalité est plus complexe. En sciences, Einstein a défini avec la théorie de la relativité une nouvelle notion de temps, un temps «physique» qui répond à des lois particulières et qui se distingue du temps «subjectif», ressenti par tout un chacun. Il en est de même en économie. Le temps n'a pas eu le même sens au cours des siècles et une nouvelle forme de temps est en train d'émerger.
Le temps naturel
Depuis l'aube des temps, l'humanité a vécu au rythme d'un temps que l'on pourrait qualifier de naturel, c'est-à-dire basé sur la mécanique des planètes, le lever et le coucher du soleil, le rythme des saisons. Les chasseurs-cueilleurs devaient migrer en fonction des changements saisonniers. Avec l'apparition de l'agriculture, les hommes se levaient avec le soleil et travaillaient jusqu'à ce que celui-ci jette ses derniers feux. Ils travaillaient la terre au rythme des saisons, organisaient des jachères ou encore l'assolement triennal. Enfin, l'élevage s'est aussi basé sur ce tempo, pâturages l'été, transhumances, hivernage, fourrage.
Le temps, c'est le pouvoir
Le temps a ensuite été un enjeu de pouvoir et de contrôle. En Europe, les premiers à qui l'on doit la mesure du temps ont été les moines soucieux d'organiser le temps consacré à la prière. La règle de Saint-Benoît édicte le rythme des prières et le cadran canonial a été employé à partir de l'an 700 pour le régler. Puis, au tournant du millénaire, les cloches ont été utilisées pour imposer le temps religieux à tous. Les cadrans canoniaux vont être progressivement remplacés par des horloges de plus en plus perfectionnées jusqu'à être mécaniques. Le temps va glisser de celui de la prière à une mesure du temps organisant la vie civile. Mais l'Eglise, consciente du pouvoir associé, s'arrogeait le monopole de la maîtrise du temps.
De l'autre côté du monde, les Chinois furent les premiers à découvrir l'horloge mécanique, inventée vers 725 par le moine bouddhiste Yi-Xing. La première a été installée dans une horloge astronomique à la cour de l'empereur Hsüan-Tsung. Cette horloge donnait le mouvement de la Lune et du Soleil par rapport à la Terre. Mais l'empereur a voulu en garder l'usage exclusif (le pouvoir encore) si bien qu'elle fut abandonnée à sa mort et plus personne ne sachant s'en servir, elle fut détruite. Quand les horloges mécaniques furent réintroduites depuis l'Occident, les Chinois ne savaient même plus qu'ils les avaient découvertes en premier.
Le temps, c'est de l'argent
Puis, à partir du XVIIème siècle pour les sociétés les plus "avancées",le temps a connu une mutation. Il s'est largement démocratisé. Surtout, le salariat est apparu. Jusque-là, l'organisation des rapports au travail étaient composés soit de rapports seigneurs/serfs soit de commerçants ou artisans regroupés en guildes. Avec l'avènement du salariat, le temps est devenu primordial. D'abord, pour synchroniser le travail des différents salariés et s'assurer qu'ils effectuent les mêmes horaires au même moment. Ensuite, cela a permis de passer d'un paiement forfaitaire (à la pièce) à un paiement horaire.
La seconde mutation a été celle du Taylorisme voire du Fordisme, qui a fait du temps son axe principal. Jusque-là, même après le début de la révolution industrielle, les ouvriers étaient encore plus ou moins organisés comme les artisans des guildes (mais au sein des entreprises) et gardaient jalousement le savoir-faire. Le Taylorisme a dépossédé les ouvriers de leur savoir (ce qui a permis de les rendre interchangeables), a découpé le travail en tâches unitaires et affecté un temps très précis à celui-ci. Ainsi sont apparus, avec l'arrivée des chaînes de montage, les cadences dont le film Les Temps modernes (au titre révélateur) est l'emblème. Le temps est devenu de l'argent.
Le temps fragmenté
Plusieurs phénomènes concourent aujourd'hui à l'émergence d'un nouveau paradigme du temps. La mondialisation tout d'abord, bien que celle-ci ne soit pas nouvelle. Le début du XXème siècle était déjà très mondialisé (notamment les flux de capitaux) avant qu'un grand repli ne s'opère après la crise de 29. Mais cette nouvelle mondialisation est marquée en prime par un essor des communications: téléphone, smartphones, visioconférence, réseaux, Internet. Le monde ne dort plus, il est en 24/7.
L'autre phénomène, c'est le développement dans les pays occidentaux de l'économie tertiaire au détriment de la production industrielle. Cette société du savoir, couplée à la mondialisation et les telecoms, a profondément redéfini le business et est en train de modifier notre rapport au travail et au temps. Les individus sont tenus à la réactivité, à l'immédiateté. Le temps s'est raccourci. De plus en plus souvent, les salariés doivent être polyvalents, ils font du "time slicing". Le téléphone portable efface progressivement les barrières entre vie professionnelle et vie privée. Internet permet de faire ses courses depuis le bureau. Le temps s'est fragmenté, accéléré et nous ne sommes qu'aux balbutiements de ces changements. Nous devons nous adapter individuellement et collectivement à cette nouvelle donne.
Il serait illusoire de croire que ce changement est uniforme. Les trois temps que j'ai évoqués (naturel, temps-monnaie et fragmenté) coexistent. Une large partie de l'Afrique vit encore dans le temps naturel. La France se partage entre le temps-monnaie et le temps fragmenté. La Chine est peut-être l'exemple le plus marquant. Le paysan du Sichuan vit encore dans le temps naturel, l'ouvrier de la sidérurgie de la Province du Liaoning est encore en plein modèle tayloriste tandis que la nouvelle Chine du savoir de Shangaï est déjà dans le temps fragmenté.
L'industrie de la synchronisation
Cette économie de la réactivité, de l'immédiateté, du flux tendu réclame et va réclamer de plus en plus de la synchronisation. En effet, sous les contraintes que j'ai décrites, une entreprise ou un pays performant sont ceux qui arrivent à coordonner l'ensemble de ces flux en temps réel pour arriver à gérer de façon optimale leur économie. Chaque perte de synchronisme est une perte d'argent. Le synchronisme, c'est l'argent.
Dès lors, un immense marché de la synchronisation s'ouvre. En fait, il s'est déjà ouvert, avec par exemple le marché des ERP (Entreprise Resource Planning - PGI en français). La vocation d’un ERP est d'homogénéiser le Système d'Information de l'entreprise avec un outil unique qui est capable de couvrir un large périmètre de gestion, c'est-à-dire :
  • La gestion des achats
  • La gestion des ventes
  • La gestion comptable : comptabilité client, fournisseur, immobilisations, personnel
  • Le contrôle de gestion
  • La gestion de production (planification, ...)
  • La gestion des stocks (logistique)
Concrètement, par exemple, la saisie d'une vente va automatiquement impacter la production (planification), la gestion des stocks (approvisionnement) et la comptabilité (facturation, écritures). l'ERP est donc bien une machine à synchroniser. Son leader, SAP, génère plus de 17 Mds$ de chiffre d'affaires et son suivant, Oracle, près de 8 Mds$ dans un marché mondial de près de 40 Mds$ (mais qui souffre de la crise). Ce marché n'a pourtant que 15 ans. En 1972, SAP employait 9 personnes, en 1995, environ 5.000, en l'an 2000, près de 25.000 et aujourd'hui près de 50.000. Par ailleurs, à côté des éditeurs comme SAP ou Oracle, un très gros marché de services s'est ouvert pour intégrer ces outils au sein des entreprises, ce qui nécessite à la fois de l'expertise technique mais aussi fonctionnelle, puisque les ERP touchent l'ensemble de l'organisation de l'entreprise.
Le transport, dans le monde tayloriste, consistait à transporter un produit manufacturé d'un point A à un point B. Ce marché, qui souffre énormément en France (pression des donneurs d'ordre, concurrence des transporteurs d'Europe de l'Est) cède la place à un business à plus haute valeur ajoutée: la logistique. Ici, la donne ne se réduit plus à transporter un produit. La logistique a pour objet de gérer les flux physiques d'une organisation, mettant ainsi à disposition des ressources correspondant aux besoins, aux conditions économiques et pour une qualité de service déterminée, dans des conditions de sécurité et de sûreté satisfaisantes. Là encore, il s'agit de synchronisation, cette fois des entrées/sorties "physiques" de l'entreprise, qui s'intègre plus globalement à la "supply chain" (GCL - Gestion de la Chaîne Logistique en français) de celle-ci.
Il est difficile d'imaginer l'ensemble des mutations que l'émergence de cette nouvelle forme de temps implique. De nouveaux marchés se sont créés, certains se transforment, d'autres vont apparaître. Des opportunités énormes s'offrent à ceux qui sauront fournir les outils pour appréhender ce nouveau monde.

Pied de nez

Au milieu des années 90, Pawel et Ola, un couple de skinheads de Varsovie, découvrent qu'ils sont juifs. Plus de dix ans après, ils ont totalement embrassé cette nouvelle religion. CNN les a rencontrés et rapporte les étapes qu'ils ont traversées.
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«La première chose à laquelle j'ai pensé, c'est qu'est-ce que j'allais bien pouvoir dire aux gens ?». Pawel se souvient encore avec émotion de ce jour où, sa femme et lui, skinheads depuis des années, ont découvert leurs origines : eux, les nationalistes, persuadés de la suprématie blanche, étaient en réalité... juifs. La chaîne américaine CNN a diffusé lundi soir un documentaire où elle raconte quelles étapes ces deux jeunes ont traversé dans leur quête de leur identité : étonnement, colère, refus, et enfin...acceptation.
La révélation éclate à Varsovie au milieu des années 1990. Pawel, à peine la vingtaine, est marié à son amour de jeunesse, Ola. Ensemble, ils partagent les mêmes convictions : la Pologne doit appartenir aux «vrais Polonais». Exit donc les Noirs, les Arabes, les Juifs, ou toute autre «race» qui viendrait perturber cette suprématie. Depuis plusieurs années, ils sont engagés dans le mouvement skinhead. Pawel, régulièrement, «tabasse» avec ses amis, tous issus du même milieu.
Mais Ola, un jour, se remémore une conversation qu'elle a eue avec sa mère alors qu'elle était enfant. Sa mère lui parle de ces racines, prononce le mot «juive». Mais Olga, qui n'a que 13 ans, ne prête guère attention à ces propos. «Cela ne m'intéressait pas, cela m'est sorti de la tête», se souvient-elle dans le documentaire que lui a consacré CNN.
«Je détestais la personne que je voyais dans la glace»
Pourtant, ce jour-là, elle s'en souvient. Inquiète, elle décide de se rendre à l'Institut d'histoire juive de Varsovie, qui compte plus de dix siècles d'archives. Et rapidement, elle trouve des réponses à ces questions : elle est juive. Lui vient alors l'idée de remonter les origines de son époux. Et là encore, même constat : tout comme elle, Pawel est juif.
«Je ne savais pas comment lui dire. Je l'aimais, qu'il soit punk ou skinhead, qu'il frappe des gens ou non. A l'époque, ce mouvement était très actif en Pologne», se souvient Ola. Une fois de retour à la maison, Ola raconte tout à Pawel, qui s'empresse de se rendre chez ses parents qui lui confirment qu'il a bien des origines juives. Le secret familial est dévoilé.
«C'est difficile de décrire ce que j'ai ressenti quand j'ai découvert que j'étais juif, raconte Pawel. J'étais en colère, triste, effrayé, incertain (...) Je ne pouvais pas me regarder dans une glace. J'y voyais un Juif. Je détestais la personne que je voyais».
Pour en savoir plus, Pawel décide de rendre visite à Michael Schudrich, grand rabbin de Pologne. «Je lui ai dis 'écoutez, on me dit que je suis juif, j'ai ce document dans la main, mon père et ma mère m'ont dit des choses. Qui est ce Juif ? Qu'est-ce que cela signifie ? Aidez-moi, ou autrement, je vais devenir fou».
Très engagés dans la communauté juive
Au fil des années, le couple se lie d'amitié avec le rabbin, qu'il considère aujourd'hui comme un mentor, et embrassent leur nouvelle religion. Pawel, 33 ans désormais, revient sur son parcours : «Je ne dis pas que je n'ai pas de regrets (...) Je suis désolé pour les gens que j'ai pu tabasser. Mais je ne m'en veux pas. En revanche, ceux que j'ai blessé peuvent m'en vouloir».
Aujourd'hui, Pawel et Ola sont des membres actifs de la communauté juive varsovite. Pawel suit une formation pour travailler dans un abattoir où la tradition casher est respectée. Ola, de son côté, travaille dans la cuisine d'une synagogue.
«Le fait qu'ils aient été skinheads ne fait en fait qu'accroître le respect que j'éprouve pour eux, explique le rabbin Michael Schudrich. (…) Ils ont compris que ce n'était pas le bon chemin, ils ont accepté, plutôt que de la fuir, l'idée de faire partie de ces gens qu'ils avaient l'habitude de détester», raconte-t-il. Avant de conclure : «Où ils en sont aujourd'hui n'a rien à voir à ce qu'ils étaient dix ans auparavant. L'être humain a cette capacité extraordinaire de pouvoir évoluer. Et parfois, pour devenir quelque chose d'encore meilleur».

Fibre créatrice


En 2010, ils sont moins nombreux à tenir un blog, publier des articles ou charger des vidéos sur YouTube, révèle une étude. Mais ils se ruent sur les réseaux sociaux.
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Sur Internet, les Français sont davantage enclins à lire et à commenter qu'à créer du contenu. Cette année, ils ne sont plus que 11% à tenir un blog, publier des articles ou charger des vidéos qu'ils ont eux-mêmes créées, contre 13% en 2009, selon une enquête de Forrester Research consacrée aux technologies sociales publiées mardi. C'est deux fois moins qu'en Italie (24%), et plus faible également qu'aux Pays-Bas (19%), au Royaume-Uni (16%) et en Espagne (14%). Dans le monde, les Européens sont eux-mêmes à la traîne des Américains (23%), des Japonais (36%) et des Australiens (22%).
Les Français se retrouvent en revanche dans la moyenne dans toutes les autres activités observées par Forrester. Environ un internaute sur cinq (19%) intervient sur des forums, ajoute une critique sur les sites de commerce en ligne et réagit sur les blogs. Ils sont 40% à maintenir un profil sur les réseaux sociaux et à visiter des sites communautaires, et 52% à simplement regarder des vidéos, lire des «tweets» ou des avis d'utilisateurs. Et ils excellent même dans l'usage des flux RSS, le vote sur les sites Internet et l'ajout de «tags» sur des photos. Toutefois, un internaute Français sur trois n'a encore aucune activité sociale.
Très marqué en France, cet écart entre la consultation et la création est le reflet d'une tendance plus large. En Europe, comme aux Etats-Unis et en Chine, le nombre d'internautes qui créent des contenus baisse légèrement entre 2009 et 2010. De même, la part des internautes qui apportent leur avis ne progresse pas ou très peu. Pour Jacqueline Anderson, analyste chez Forrester, «le nombre de consommateurs intéressés par ces comportements a atteint un pallier». Ce qu'elle interprète comme un «un manque d'idées fraiches», face à des contenus qui ne sont pas toujours faciles à créer.
En fait, les interventions sur Internet tendent en fait à se concentrer sur la participation aux sites communautaires, plus accessible. Ainsi, la part des européens qui consultent ou sont actifs sur les réseaux sociaux a bondi en un an de 30 à 41%. Ces nouvelles «conversations rapides» consistent souvent «en quelques mots rédigés en un minimum de temps», rappelle Forrester. Cet intérêt marqué pour Facebook et Twitter ôte du temps pour les blogs et les autres activités communautaires. Aux Etats-Unis, Facebook est devenu cet été le site où les internautes passent le plus de temps, devant Google.

Noam Chomsky

Les dix stratégies de manipulation de masses

1/ La stratégie de la distraction
Élément primordial du contrôle social, la stratégie de la diversion consiste à détourner l’attention du public des problèmes importants et des mutations décidées par les élites politiques et économiques, grâce à un déluge continuel de distractions et d’informations insignifiantes. La stratégie de la diversion est également indispensable pour empêcher le public de s’intéresser aux connaissances essentielles, dans les domaines de la science, de l’économie, de la psychologie, de la neurobiologie, et de la cybernétique. « Garder l’attention du public distraite, loin des véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle. Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun temps pour penser; de retour à la ferme avec les autres animaux. » Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »

2/ Créer des problèmes, puis offrir des solutions
Cette méthode est aussi appelée « problème-réaction-solution ». On crée d’abord un problème, une « situation » prévue pour susciter une certaine réaction du public, afin que celui-ci soit lui-même demandeur des mesures qu’on souhaite lui faire accepter. Par exemple: laisser se développer la violence urbaine, ou organiser des attentats sanglants, afin que le public soit demandeur de lois sécuritaires au détriment de la liberté. Ou encore : créer une crise économique pour faire accepter comme un mal nécessaire le recul des droits sociaux et le démantèlement des services publics.

3/ La stratégie de la dégradation
Pour faire accepter une mesure inacceptable, il suffit de l’appliquer progressivement, en « dégradé », sur une durée de 10 ans. C’est de cette façon que des conditions socio-économiques radicalement nouvelles (néolibéralisme) ont été imposées durant les années 1980 à 1990. Chômage massif, précarité, flexibilité, délocalisations, salaires n’assurant plus un revenu décent, autant de changements qui auraient provoqué une révolution s’ils avaient été appliqués brutalement.

4/ La stratégie du différé
Une autre façon de faire accepter une décision impopulaire est de la présenter comme « douloureuse mais nécessaire », en obtenant l’accord du public dans le présent pour une application dans le futur. Il est toujours plus facile d’accepter un sacrifice futur qu’un sacrifice immédiat. D’abord parce que l’effort n’est pas à fournir tout de suite. Ensuite parce que le public a toujours tendance à espérer naïvement que « tout ira mieux demain » et que le sacrifice demandé pourra être évité. Enfin, cela laisse du temps au public pour s’habituer à l’idée du changement et l’accepter avec résignation lorsque le moment sera venu.

5/ S’adresser au public comme à des enfants en bas-âge
La plupart des publicités destinées au grand-public utilisent un discours, des arguments, des personnages, et un ton particulièrement infantilisants, souvent proche du débilitant, comme si le spectateur était un enfant en bas-age ou un handicapé mental. Plus on cherchera à tromper le spectateur, plus on adoptera un ton infantilisant. Pourquoi ? « Si on s’adresse à une personne comme si elle était âgée de 12 ans, alors, en raison de la suggestibilité, elle aura, avec une certaine probabilité, une réponse ou une réaction aussi dénuée de sens critique que celles d’une personne de 12 ans ». Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »

6/ Faire appel à l’émotionnel plutôt qu’à la réflexion
Faire appel à l’émotionnel est une technique classique pour court-circuiter l’analyse rationnelle, et donc le sens critique des individus. De plus, l’utilisation du registre émotionnel permet d’ouvrir la porte d’accès à l’inconscient pour y implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements…

7/ Maintenir le public dans l’ignorance et la bêtise
Faire en sorte que le public soit incapable de comprendre les technologies et les méthodes utilisées pour son contrôle et son esclavage. « La qualité de l’éducation donnée aux classes inférieures doit être la plus pauvre, de telle sorte que le fossé de l’ignorance qui isole les classes inférieures des classes supérieures soit et demeure incompréhensible par les classes inférieures. Extrait de « Armes silencieuses pour guerres tranquilles »

8/ Encourager le public à se complaire dans la médiocrité
Encourager le public à trouver « cool » le fait d’être bête, vulgaire, et inculte…

9/ Remplacer la révolte par la culpabilité
Faire croire à l’individu qu’il est seul responsable de son malheur, à cause de l’insuffisance de son intelligence, de ses capacités, ou de ses efforts. Ainsi, au lieu de se révolter contre le système économique, l’individu s’auto-dévalue et culpabilise, ce qui engendre un état dépressif dont l’un des effets est l’inhibition de l’action. Et sans action, pas de révolution!…

10/ Connaître les individus mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes
Au cours des 50 dernières années, les progrès fulgurants de la science ont creusé un fossé croissant entre les connaissances du public et celles détenues et utilisées par les élites dirigeantes. Grâce à la biologie, la neurobiologie, et la psychologie appliquée, le « système » est parvenu à une connaissance avancée de l’être humain, à la fois physiquement et psychologiquement. Le système en est arrivé à mieux connaître l’individu moyen que celui-ci ne se connaît lui-même. Cela signifie que dans la majorité des cas, le système détient un plus grand contrôle et un plus grand pouvoir sur les individus que les individus eux-mêmes.

Infiltrations


Le magazine L'Espresso affirme qu'un accord secret a été noué entre la police et le réseau social, pour que les enquêteurs puissent accéder aux profils sans attendre une décision de justice. Les autorités démentent.
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L'hebdomadaire L'Espresso y voit déjà «l'atteinte la plus lourde aux droits des internautes jamais réalisée» dans le pays. Selon des sources jugées «fiables» par le magazine italien, un accord «secret» a été signé par Facebook, pour permettre à 400 policiers spécialisés dans les enquêtes sur Internet d'accéder aux informations des membres du réseau social. La police pourrait ainsi agir «de façon arbitraire» sans attendre une décision de justice, écrit le magazine de sensibilité de gauche.
Jusqu'alors, l'autorisation de la justice était indispensable pour s'infiltrer dans les profils. Ce pacte, présenté comme «une première en Europe», viserait à accélérer le déroulé des enquêtes, notamment dans la lutte contre la pédopornographie, les escroqueries par phishing, les vols de données et l'usurpation d'identité des personnalités publiques. Quelque 17 millions d'Italiens sont inscrits sur le réseau social.
Le démenti de la police et de Facebook
Dans un communiqué de presse, le directeur de la police postale et des communications, Antonio Apruzzese, a rapidement démenti les informations de L'Espresso. Les enquêteurs ne peuvent accéder aux données des internautes qu'«après avoir reçu l'autorisation d'un magistrat», a-t-il souligné, expliquant n'avoir «aucune possibilité d'espionner les utilisateurs». «Nous ne pouvons ni entrer dans les ordinateurs, ni dans les boîtes aux lettres électroniques», a-t-il encore affirmé. «Cela ne nous a même pas traversé l'esprit», a-t-il assuré.
Le directeur de la police des communications a néanmoins confirmé la venue récente de responsables de Facebook en Italie il y a quelques semaines, à la suite de contacts passés ces derniers mois. Cette rencontre aurait servi à informer les autorités locales du fonctionnement du réseau social, et à dresser une «ligne directrice» pour mieux coopérer, après l'accord de la justice. Contacté par LeFigaro.fr, Facebook a relayé ces explications de la police italienne.
Des informations confirmées «mot pour mot»
Dans un nouvel article publié vendredi sur son site Internet, L'Espresso a toutefois maintenu «mot pour mot» ses informations, se rangeant lui aussi derrière des sources policières. Le magazine cite notamment les déclarations d'un «haut dirigeant» de cette division de la police, qui se serait rendu aux États-Unis, au siège de Facebook, pour nouer l'accord. Ce haut gradé aurait expliqué que la collaboration avec Facebook permettait bel et bien «d'éviter de formuler une demande à l'autorité judiciaire» pour «permettre d'agir très rapidement».
L'affaire ne devrait quoi qu'il en soit pas en rester là. Interrogé par l'hebdomadaire, un sénateur du Parti démocrate italien, Vincenzo Vita, a indiqué qu'il allait rédiger une question parlementaire au gouvernement sur le sujet. D'après L'Espresso, les services secrets n'ont pas attendu pour «infiltrer sur Internet, sans aucune autorisation de l'autorité judiciaire, les mouvements d'opposition ou de supporters de football».